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dialogues philosophiques


M. FRÉRET. — Oui, des juifs et des idolâtres, puisque vous m’y forcez. Votre Dieu n’est-il pas né Juif ? n’a-t-il pas été circoncis comme juif ? n’a-t-il pas accompli toutes les cérémonies juives ? ne lui faites-vous pas dire plusieurs fois qu’il faut obéir à la loi de Moïse ? n’a-t-il pas sacrifié dans le temple ? votre baptême n’était-il pas une coutume juive prise chez les Orientaux ? n’appelez-vous pas encore du mot juif pâques la principale de vos fêtes ? ne chantez-vous pas depuis plus de dix-sept cents ans, dans une musique diabolique, des chansons juives que vous attribuez à un roitelet juif, brigand, adultère, et homicide, homme selon le cœur de Dieu ? Ne prêtez-vous pas sur gages à Rome dans vos juiveries, que vous appelez monts-de-piété ? et ne vendez-vous pas impitoyablement les gages des pauvres quand ils n’ont pas payé au terme ?


LE COMTE. — Il a raison ; il n’y a qu’une seule chose qui vous manque de la loi juive, c’est un bon jubilé, un vrai jubilé, par lequel les seigneurs rentreraient dans les terres qu’ils vous ont données comme des sots, dans le temps que vous leur persuadiez qu’Élie et l’antéchrist allaient venir, que le monde allait finir, et qu’il fallait donner tout son bien à l’Église « pour le remède de son âme, et pour n’être point rangé parmi les boucs ». Ce jubilé vaudrait mieux que celui auquel vous ne nous donnez que des indulgences plénières ; j’y gagnerais, pour ma part, plus de cent mille livres de rentes.