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dialogues philosophiques


L’ABBÉ. — Je le veux bien, pourvu que sur ces cent mille livres vous me fassiez une grosse pension. Mais pourquoi M. Fréret nous appelle-t-il idolâtres ?


M. FRÉRET. — Pourquoi, monsieur ! Demandez-le à Saint-Christophe, qui est la première chose que vous rencontrez dans votre cathédrale, et qui est en même temps le plus vilain monument de barbarie que vous ayez ; demandez-le à sainte Claire qu’on invoque pour le mal des yeux, et à qui vous avez bâti des temples ; à saint Genou qui guérit de la goutte ; à saint Janvier dont le sang se liquéfie si solennellement à Naples quand on l’approche de sa tête ; à saint Antoine qui asperge d’eau bénite les chevaux dans Rome.

Oseriez-vous nier votre idolâtrie, vous qui adorez du culte de dulie dans mille églises le lait de la Vierge, le prépuce et le nombril de son fils, les épines dont vous dites qu’on lui fit une couronne, le bois pourri sur lequel vous prétendez que l’être éternel est mort ? vous enfin qui adorez d’un culte de latrie un morceau de pâte que vous enfermez dans une boîte, de peur des souris ? Vos catholiques romains ont poussé leur catholique extravagance jusqu’à dire qu’ils changent ce morceau de pâte en Dieu par la vertu de quelques mots latins, et que toutes les miettes de cette pâte deviennent autant de dieux créateurs de l’univers. Un gueux qu’on aura fait prêtre, un moine sortant des bras d’une prostituée, vient pour douze sous, revêtu d’un habit de comédien, me marmotter