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dialogues philosophiques

hémisphère, les chrétiens immolés sans cesse les uns par les autres, vieillards, enfants, mères, femmes, filles, expirant en foule dans les croisades des Albigeois, dans les guerres des hussites, dans celles des luthériens, des calvinistes, des anabaptistes, à la Saint-Barthélémy, aux massacres d’Irlande, à ceux du Piémont, à ceux des Cévennes ; tandis qu’un évêque de Rome, mollement couché sur un lit de repos, se fait baiser les pieds, et que cinquante châtrés lui font entendre leurs fredons pour le désennuyer. Dieu m’est témoin que ce portrait est fidèle, et vous n’oseriez me contredire.


L’ABBÉ. — J’avoue qu’il y a quelque chose de vrai ; mais, comme disait l’évêque de Noyon, ce ne sont pas là des matières de table ; ce sont des tables des matières. Les dîners seraient trop tristes si la conversation roulait longtemps sur les horreurs du genre humain. L’histoire de l’Église trouble la digestion.


LE COMTE. — Les faits l’ont troublée davantage.


L’ABBÉ. — Ce n’est pas la faute de la religion chrétienne, c’est celle des abus.


LE COMTE. — Cela serait bon s’il n’y avait eu que peu d’abus. Mais si les prêtres ont voulu vivre à nos dépens depuis que Paul, ou celui qui a pris son nom, a écrit : « Ne suis-je pas en droit de me faire nourrir