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dialogues philosophiques

et vêtir par vous, moi, ma femme, ou ma sœur ? » si l’Église a voulu toujours envahir ; si elle a employé toujours toutes les armes possibles pour nous ôter nos biens et nos vies, depuis la prétendue aventure d’Ananie et de Saphire, qui avaient, dit-on, apporté aux pieds de Simon Barjone le prix de leurs héritages, et qui avaient gardé quelques drachmes pour leur subsistance ; s’il est évident que l’histoire de l’Église est une suite continuelle de querelles, d’impostures, de vexations, de fourberies, de rapines et de meurtres ; alors il est démontré que l’abus est dans la chose même, comme il est démontré qu’un loup a toujours été carnassier, et que ce n’est point par quelques abus passagers qu’il a sucé le sang de nos moutons.


L’ABBÉ. — Vous en pourriez dire autant de toutes les religions.


LE COMTE. — Point du tout ; je vous défie de me montrer une seule guerre excitée pour le dogme dans une seule secte de l’antiquité. Je vous défie de me montrer chez les Romains un seul homme persécuté pour ses opinions, depuis Romulus jusqu’au temps où les chrétiens vinrent tout bouleverser. Cette absurde barbarie n’était réservée qu’à nous. Vous sentez, en rougissant, la vérité qui vous presse, et vous n’avez rien à répondre.


L’ABBÉ. — Aussi je ne réponds rien. Je conviens que