les sectes abominables qui ont inondé la terre ?
M. FRÉRET. — En fait de religion, madame, on
a eu une conduite directement contraire à celle
qu’on a eue en fait de vêtement, de logement et
de nourriture. Nous avons commencé par des cavernes,
des huttes, des habits de peaux de bêtes et
du gland ; nous avons eu ensuite du pain, des mets
salutaires, des habits de laine et de soie filées, des
maisons propres et commodes : mais, dans ce qui
concerne la religion, nous sommes revenus au gland,
aux peaux de bêtes et aux cavernes.
L’ABBÉ. — Il serait bien difficile de vous en tirer.
Vous voyez que la religion chrétienne, par exemple,
est partout incorporée à l’État, et que, depuis le
pape jusqu’au dernier capucin, chacun fonde son
trône ou sa cuisine sur elle. Je vous ai déjà dit que
les hommes ne sont pas assez raisonnables pour se
contenter d’une religion pure et digne de Dieu.
LA COMTESSE. — Vous n’y pensez pas ; vous
avouez vous-même qu’ils s’en sont tenus à cette
religion du temps de votre Énoch, de votre Noé, et
de votre Abraham. Pourquoi ne serait-on pas aussi
raisonnable aujourd’hui qu’on l’était alors ?
L’ABBÉ. — Il faut bien que je le dise : c’est qu’alors
il n’y avait ni chanoine à grosse prébende, ni
abbé de Corbie avec un million, ni pape avec seize