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dialogues philosophiques

ou dix-huit millions. Il faudrait peut-être, pour rendre à la société humaine tous ces biens, des guerres aussi sanglantes qu’il en a fallu pour les lui arracher.


LE COMTE. — Quoique j’aie été militaire, je ne veux point faire la guerre aux prêtres et aux moines ; je ne veux point établir la vérité par le meurtre, comme ils ont établi l’erreur ; mais je voudrais au moins que cette vérité éclairât un peu les hommes, qu’ils fussent plus doux et plus heureux, que les peuples cessassent d’être superstitieux, et que les chefs de l’Église tremblassent d’être persécuteurs.


L’ABBÉ. — Il est bien malaisé (puisqu’il faut enfin m’expliquer) d’ôter à des insensés des chaînes qu’ils révèrent. Vous vous feriez peut-être lapider par le peuple de Paris, si, dans un temps de pluie, vous empêchiez qu’on ne promenât la prétendue carcasse de sainte Geneviève par les rues pour avoir du beau temps.


M. FRÉRET. — Je ne crois point ce que vous dites ; la raison a déjà fait tant de progrès, que depuis plus de dix ans on n’a fait promener cette prétendue carcasse et celle de Marcel dans Paris. Je pense qu’il est très aisé de déraciner par degrés toutes les superstitions qui nous ont abrutis. On ne croit plus aux sorciers, on n’exorcise plus les diables ; et quoiqu’il soit dit que votre Jésus ait envoyé ses apôtres