des crocheteurs et des lavandières du palais ; il ordonna qu’on le fît paraître devant lui.
Ce frère Rigolet n’était pas un homme de cour comme les frères Parennin et Verbiest. Il avait toute la simplicité et l’enthousiasme d’un persuadé. Il y a de ces gens-là dans toutes les sociétés religieuses ; ils sont nécessaires à leur ordre. On demandait un jour à Oliva, général des jésuites, comme il se pouvait faire qu’il y eût tant de sots dans une société qui passait pour éclairée ; il répondit : Il nous faut des saints. Ainsi donc saint Rigolet comparut devant l’empereur de la Chine.
Il était tout glorieux, et ne doutait pas qu’il n’eût l’honneur de baptiser l’empereur dans deux jours au plus tard. Après qu’il eût fait les génuflexions ordinaires, et frappé neuf fois la terre de son front, l’empereur lui fit apporter du thé et des biscuits, et lui dit : Frère Rigolet, dites-moi en conscience ce que c’est que cette religion que vous prêchez aux lavandières et aux crocheteurs de mon palais.
FRÈRE RIGOLET. — Auguste souverain des
quinze provinces anciennes de la Chine et des quarante-deux
provinces tartares, ma religion est la
seule véritable, comme me l’a dit mon préfet, le
frère Bouvet, qui le tenait de sa nourrice. Les Chinois,
les Japonais, les Coréens, les Tartares, les
Indiens, les Persans, les Turcs, les Arabes, les Africains
et les Américains, seront tous damnés. On ne
peut plaire à Dieu que dans une partie de l’Europe,