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dialogues philosophiques

d’accord ; les tribunaux présentèrent à l’empereur des mémoires contre tous ces bonzes d’Europe et surtout contre les jésuites, ainsi que nous avons vu depuis peu les parlements de France requérir et ensuite ordonner l’abolition de cette société.

Ce procès n’était pas encore jugé à la Chine, lorsque l’empereur Kang-hi mourut le 20 décembre 1722. Un de ses fils, nommé Yong-tching, lui succéda ; c’était un des meilleurs princes que Dieu ait jamais accordés aux hommes. Il avait toute la bonté de son père, avec plus de fermeté et plus de justesse dans l’esprit. Dès qu’il fut sur le trône, il reçut de toutes les villes de l’empire des requêtes contre les jésuites. On l’avertissait que ces bonzes, sous prétexte de religion, faisaient un commerce immense, qu’ils prêchaient une doctrine intolérante ; qu’ils avaient été l’unique cause d’une guerre civile au Japon, dans laquelle il était péri plus de quatre cent mille âmes ; qu’ils étaient les soldats et les espions d’un prêtre d’Occident, réputé souverain de tous les royaumes de la terre ; que ce prêtre avait divisé le royaume de la Chine en évêchés ; qu’il avait rendu des sentences à Rome contre les anciens rites de la nation, et qu’enfin, si l’on ne réprimait pas au plus tôt ces entreprises inouïes, une révolution était à craindre.

L’empereur Yong-tching, avant de se décider, voulut s’instruire par lui-même de l’étrange religion de ces bonzes ; il sut qu’il y en avait un, nommé le frère Rigolet, qui avait converti quelques enfants