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dialogues philosophiques


FRÈRE RIGOLET. — Fi donc ! sire, quand un Dieu vient se faire pendre, il ne s’amuse pas à de pareilles bagatelles : il fait écrire ses secrétaires. Il y en eut une quarantaine qui prirent la peine, cent ans après, de mettre par écrit toutes ces vérités. Il est vrai qu’ils se contredisent tous ; mais c’est en cela même que la vérité consiste ; et dans ces quarante histoires, nous en avons à la fin choisi quatre, qui sont précisément celles qui se contredisent le plus, afin que la vérité paraisse avec plus d’évidence.

Tous ses disciples firent encore plus de miracles que lui ; nous en faisons encore tous les jours. Nous avons parmi nous le dieu saint François Xavier, qui ressuscita neuf morts de compte fait dans l’Inde : personne à la vérité n’a vu ces résurrections ; mais nous les avons célébrées d’un bout du monde à l’autre, et nous avons été crus. Croyez-moi, sire, faites-vous jésuite ; et je vous suis caution que nous ferons imprimer la liste de vos miracles avant qu’il soit deux ans ; nous ferons un saint de vous, on fêtera votre fête à Rome, et on vous appellera saint Yong-tching après votre mort.


L’EMPEREUR. — Je ne suis pas pressé, frère Rigolet ; cela pourra venir avec le temps. Tout ce que je demande, c’est que je ne sois pas pendu comme ton Dieu l’a été ; car il me semble que c’est acheter la divinité un peu cher.


FRÈRE RIGOLET. — Ah ! sire, c’est que vous n’a-