Page:Volterra - Henri Poincaré l'oeuvre scientifique, l'oeuvre philosophique, 1914.djvu/222

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que, dit-il, pour un savant, la question ne se pose même pas. Pour bien comprendre Henri Poincaré, il faut se rappeler qu’il ne perd pas de vue les faits, et que, dans ses spéculations les plus audacieuses, les plus paradoxales en apparence, il y reste encore fermement attaché. Peu lui importe de savoir où il aboutira et si ses conclusions s’accorderont ou non avec les idées traditionnelles. Il cherche la vérité sans idée préconçue, en faisant soigneusement table rase de tout ce qu’il a pu lire ou entendre, en évitant même de communiquer ses pensées à autrui tant qu’elles ne sont pas définitivement formées. Comme s’il craignait de se laisser influencer et de contrarier le travail d’analyse qui s’accomplit au dedans de lui et, pour ainsi dire, indépendamment de lui, Poincaré médite seul et presque dans le secret. Puis brusquement l’idée jaillit, avec ces caractères de brièveté et d’irrésistibilité que nous retrouvons dans l’invention mathématique ; et désormais elle s’impose. Aux philosophes de trouver après coup des théories qui rendent compte de la vérité ainsi découverte ; ils n’ont pas plus le droit de la contester qu’ils ne peuvent nier la science : car la vérité au sens de Poincaré, ce n’est autre chose, en somme, que l’expression philosophique des conditions im-