Page:Volterra - Henri Poincaré l'oeuvre scientifique, l'oeuvre philosophique, 1914.djvu/273

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rons. Le psychologue doit se contenter de donner un nom à cette vision instantanée de l’esprit qui se manifeste dans l’invention : il l’appelle « intuition ». Cependant le mot « intuition » est ambigu. Henri Poincaré lui-même ne l’a pas toujours employé dans le même sens. L’intuition dont il parlait naguère était le plus souvent une intuition des sens, ou tout au moins de l’imagination, intuition qui ne peut nous donner ni la rigueur, ni même la certitude[1]. Klein est un intuitif parce qu’il s’aide du geste pour penser ; il voit, il cherche à peindre. Hermite, au contraire, est du côté des logiciens avec Méray et Weierstrass. Poincaré nous avertit, il est vrai, qu’il existe une autre intuition que celle des sens ou de l’imagination : l’intuition du nombre pur ; mais il ne s’y arrête point dans ses premiers écrits.

Il y devait, cependant, revenir plus tard, et avec une grande insistance. C’est de l’intuition pure, c’est de l’intuition suprasensible qu’il veut parler lorsqu’il déclare que la logique ne peut rien sans le secours de l’intuition, que l’intuition est l’instrument essentiel de la pensée mathématique. Et alors, il est conduit

  1. La Valeur de la science, p. 17.