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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/296

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rapports étaient devenus parfaitement cordiaux. André avait pour sa femme une déférence complimenteuse, et elle le traitait en camarade affectueux ; la souplesse de M. des Moustiers lui permettait de se mouvoir à l’aise dans cette situation. Il était toujours prêt aux projets de Jacqueline et mettait de la coquetterie à faire des frais pour elle, à l’amuser. Ils atteignaient cette agréable période du mariage où l’on vit chacun de son côté en pleine liberté et où, étant assuré de ne pouvoir compter l’un sur l’autre, on renonce à se rien reprocher.

André était trop bien élevé pour demander à une femme qui visiblement venait de pleurer : « Qu’avez-vous ? » Il ne parut même pas s’apercevoir de l’émotion de Jacqueline, mais, lui ayant baisé la main, il dit, avec la hâte gaie de quelqu’un qui apporte des nouvelles :

— Vous n’avez eu personne, ce soir ? Vous ne savez pas, sans doute ? Il y a encore eu un attentat. Tenez, voilà les journaux. Quels imbéciles que ces gens-là ! Ils vont rendre tout le monde royaliste, s’ils continuent.

— Je sais. J’avais entendu crier la nouvelle dans la rue, dit Jacqueline, les yeux obstinément fixés au tapis.

Elle trouvait un soulagement à la présence d’André ; depuis qu’il était dans la pièce, elle se sentait plus en sûreté. Tandis qu’il parlait, donnant des détails, faisant des commentaires, elle se disait qu’encore qu’ils fussent séparés, le lien qui les unissait avait assez de force pour qu’il demeurât responsable d’elle et qu’il eût le devoir de la protéger. Elle savait bien que,