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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/351

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venue des conséquences que pourraient avoir ses paroles ; l’appétit d’émotions réveillé par la vue d’Étienne dominait les prudences et les scrupules. Elle ne songeait plus à rien qu’à vivre fortement cette heure singulière.

Il la regardait d’un si pesant regard qu’elle sentit sa faiblesse, et n’en eut pas la honte mais une joie exquise. Ils marchaient lentement, sans se rien dire. Un ouvrier les croisa, allant d’un pas lourd et inégal ; il les examina l’œil gouailleur. Jacqueline sut qu’elle avait l’air d’une femme qui vient de retrouver son amant, et que ce passant grossier ne doutait pas du lien qui les unissait. Une gêne la crispa, mais très vite elle reprit sa vaillance hasardeuse et, le ton vif :

— Où allons-nous ? dit-elle.

— Déjeuner quelque part… où vous voudrez… Au Bois ?

— Ça m’est égal. Je vous ai donné cette journée : à vous d’en régler les circonstances.

Il fut un moment sans répondre, distrait en apparence ; il regardait à terre et, du bout de sa canne, déchaussait les petits cailloux incrustés dans le sable. Enfin, d’une voix indifférente, il nomma un hôtel récemment construit dans le voisinage.

— Nous pouvons aller là, si vous voulez ?

— Oui, allons…

Elle avait fait un effort pour dire cela simplement, car le choix de l’endroit la renseignait sur les intentions d’Étienne. N’aurait-elle pas dû insister pour déjeuner au Bois, en plein air ?… On verrait bien !

Marken héla un fiacre, donna l’adresse, puis, lorsque la voiture roula, se mit à parler littérature,