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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/352

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ingénieusement, l’esprit libre, très gai, parfaitement à l’aise.

Elle eut quelque déception ; elle avait compté, en le voyant si ému lorsqu’il l’avait abordée, qu’il serait immédiatement passionné, éloquent, difficile à manœuvrer. Elle songea qu’elle le jugeait mal peut-être et qu’il avait dit vrai en affirmant qu’il l’aimait par delà le désir. Elle fut tout d’un coup entièrement rassurée, au point même de regretter l’inquiétude récente, dont le goût était plus fort que celui de son actuelle tranquillité. Elle se moqua elle-même d’avoir préparé des défenses d’un si beau style et dont elle n’aurait pas l’emploi, car, décidément, elle ne risquait rien.

Descendue devant l’hôtel, elle eut, à voir payer le fiacre par Marken, l’impression que pour quelques heures il était responsable d’elle et un peu son maître ; elle ne débrouilla pas si c’était là une des choses qui lui plaisaient ou si elle en avait de l’agacement.

— Attendez-moi un moment, voulez-vous ? Je vais choisir un salon, dit Marken en la faisant entrer dans une manière de parloir clinquant et somptueux.

Elle restait seule, regardant par la fenêtre les passants plus rares à cette heure. À mesure qu’elle avançait dans son aventure, elle avait le cœur plus affermi. Elle pensa à son mari qui cultivait en Bretagne les agréments d’une nouvelle liaison ; elle souhaita cordialement que tout, dans cette affaire, allât aussi bien qu’il le désirait. Elle était certaine de son droit à la liberté, et concédait volontiers le même droit à tous. Si quelqu’une de ses relations fût entrée, s’informant des raisons qu’elle avait d’être-là, elle eût répondu tranquillement : « J’attends monsieur Marken avec qui j’ai