Page:Voragine - Légende dorée.djvu/203

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titre, vous êtes mes frères, en sainteté, vous êtes mes pères ! » Dans l’excès de son humilité, il ne tolérait point que les femmes se dissent ses servantes. Il écrivait à la patricienne Rusticana : « Une chose m’a fâché, dans votre lettre : c’est que, à plusieurs reprises, vous vous y soyez appelée ma servante. Comment pouvez-vous vous dire la servante d’un homme qui, en acceptant la charge de l’épiscopat, est devenu le serviteur de tous ? » Le premier, il se proclama « le serviteur des serviteurs de Dieu » ; et il ordonna que ses successeurs porteraient le même titre. Il ne voulut pas non plus, par humilité, publier ses livres de son vivant ; et, en comparaison des livres des autres, il tenait les siens pour dénués de toute valeur. Il écrivait à Innocent, préfet d’Afrique : « Que vous me demandiez communication de mes Commentaires sur Job, cela fait honneur à votre application. Mais si vous désirez vous nourrir d’un aliment délicieux, lisez plutôt les ouvrages de votre compatriote saint Augustin, et, pouvant jouir de cet or, ne vous occupez point de mon misérable billon ! » On lit aussi, dans un livre traduit du grec en latin, qu’un saint abbé nommé Jean, étant venu à Rome pour voir les tombeaux des apôtres, rencontra le pape Grégoire passant par la ville. Et Grégoire, voyant qu’il voulait s’agenouiller devant lui, prit les devants, s’agenouilla le premier devant l’abbé, et ne se releva qu’après que l’abbé se fût relevé.

VI. La charité de saint Grégoire égalait son humilité. Il était si charitable qu’il pourvoyait aux besoins non seulement des pauvres de Rome, mais aussi de pauvres des pays les plus lointains. Il avait fait dresser une liste de tous les indigents, et leur venait largement en aide. Il envoyait des secours aux moines du mont Sinaï, entretenait à ses frais un monastère fondé par lui à Jérusalem, et offrait tous les ans quatre-vingts livres d’or dont vivaient trois mille servantes de Dieu. Il recevait tous les jours à sa table les pèlerins et autres étrangers, quels qu’ils fussent. Et parmi ces hôtes il y en eut un qui, au moment où saint Grégoire s’apprêtait à lui verser l’eau du lave-mains, disparut sans qu’on sût par où il était passé. Et,