Page:Voragine - Légende dorée.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
336
la légende dorée

avec son manteau. Il la fit enfin détacher du chevalet, et ordonna qu’elle fût reconduite dans sa prison, qui, aussitôt, s’illumina d’une immense clarté.

Dans sa prison, Marguerite pria le Seigneur de lui faire apparaître, sous forme visible, l’ennemi qui luttait contre elle. Et voici que lui apparut un dragon hideux, qui voulut se jeter sur elle pour la dévorer. Mais elle fit le signe de la croix, et le dragon disparut. Ou encore, comme l’affirme une légende, le monstre la saisit par la tête et l’introduisit dans sa bouche ; et c’est alors qu’elle fit un signe de croix par la vertu duquel le dragon creva, et la vierge sortit de son corps sans avoir aucun mal. Mais cette légende est apocryphe, et on s’accorde à la tenir pour une fable sans fondement.

S’obstinant à vouloir tromper Marguerite, le démon lui apparut sous la forme d’un jeune homme. Et comme elle s’était mise en prières, il s’approcha d’elle, lui prit la main, et lui dit : « Que ce que tu as déjà fait te suffise : cesse maintenant de me tourmenter ! » Mais Marguerite le saisit par la tête, l’étendit à terre, et, posant sur lui son pied droit, elle dit : « Démon orgueilleux, prosterne-toi sous le pied d’une femme ! » Mais le démon criait : « Ô Marguerite, je suis vaincu, et, pour comble de honte, vaincu par une petite fille, et dont le père et la mère ont été mes amis ! »

La sainte le força à lui dire pourquoi il était venu : c’était pour l’engager à obéir aux ordres du préfet. Elle lui demanda ensuite pourquoi il tentait si obstinément les chrétiens. Il répondit que c’était, d’abord, parce qu’il haïssait tous les hommes vertueux, et ensuite parce que, dans sa jalousie, il voulait ôter aux chrétiens un bonheur que, lui-même, il avait perdu. Il ajouta que Salomon avait enfermé dans un vase une foule de démons, mais que, après sa mort, les hommes, en voyant du feu sortir de ce vase, s’étaient figuré qu’il contenait un trésor, l’avaient brisé, et avaient ainsi remis les démons en liberté. Enfin Marguerite, ayant forcé le démon à tous ces aveux, souleva son pied et dit : « Va-t’en, misérable ! » Et aussitôt le démon s’enfuit.