Page:Voragine - Légende dorée.djvu/374

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Alors le chef résolut de se rendre auprès de Pierre, pour savoir de lui si ce que Madeleine disait du Christ était vrai. Et sa femme lui dit : « Eh ! quoi, mon ami, penses-tu donc partir sans moi ? » Et lui : « Je ne puis songer à te prendre avec moi, car tu es enceinte, et les dangers de la mer sont grands ! » Mais elle insista si fort, comme savent faire les femmes, et se jeta à ses pieds avec tant de larmes, qu’elle finit par obtenir ce qu’elle demandait. Madeleine fit sur eux le signe de la croix, pour les mettre à l’abri des pièges du démon, et ils partirent, laissant à la garde de Madeleine tout ce qu’ils n’emportaient pas avec eux sur le bateau. Or, après un jour et une nuit du voyage, la mer se leva, la tempête souffla ; et la femme du chef, accablée de frayeur et toute secouée par l’orage, enfanta un fils avant le terme naturel, et, l’ayant enfanté, mourut. Quant à l’enfant nouveau-né, il tremblait de faim, cherchait vainement le sein maternel et poussait des cris lamentables. Le malheureux père se désespérait, disant : « Hélas ! que vais-je faire ? J’ai désiré avoir un fils, et voilà que, par ce désir, j’ai perdu à la fois ma femme et mon fils ! » Cependant les matelots s’écriaient : « Qu’on jette à la mer ce cadavre, car aussi longtemps qu’il sera avec nous la tempête continuera à nous tourmenter ! » Déjà même ils s’étaient emparés du cadavre pour le jeter à la mer, malgré les supplications du pèlerin, lorsque apparut à l’horizon une terre inconnue. L’apercevant, le pèlerin obtint des matelots, à force de prières et de promesses, qu’on transportât sur cette terre le cadavre de sa femme et l’enfant nouveau-né. On aborda donc, et l’on se mit en devoir de creuser une fosse. Mais le sol était si dur qu’on ne pouvait le creuser ; de telle sorte que le pèlerin enveloppa le cadavre dans un manteau, et le disposa dans un endroit écarté, après lui avoir placé l’enfant sur la poitrine. Puis, après avoir invoqué l’aide de Marie-Madeleine, il remonta à bord et poursuivit sa route.

Quand il arriva auprès de Pierre, celui-ci vint à sa rencontre ; et, voyant sur son manteau le signe de la croix, il lui demanda qui il était et d’où il venait. Le