Page:Voragine - Légende dorée.djvu/510

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Or saint Jean lui reprochait en termes très vifs d’avoir violé la Loi, en épousant la femme de son frère, du vivant de celui-ci. Ce que voyant, Hérode le fit jeter en prison, tant pour plaire à sa femme que pour empêcher Jean de soulever le peuple contre lui. Cependant il n’osait le tuer, par crainte du peuple. Mais comme sa femme et lui voulaient sa mort, ils convinrent en secret que, dans une fête qui allait être donnée pour l’anniversaire de la naissance d’Hérode, la fille d’Hérodiade danserait devant lui, qu’en récompense ils l’autoriseraient à obtenir ce qu’elle lui demanderait, que la jeune fille lui demanderait alors la tête de saint Jean, et que lui, tout en affectant d’être désolé de son serment se déclarerait ainsi forcé à le tenir.

Donc, pendant le festin, la jeune fille arrive, danse devant tous, plaît à tous ; et le roi lui promet de lui offrir tout ce qu’elle lui demandera ; et elle, sur le conseil de sa mère, demande la tête de saint Jean, que le roi lui accorde en feignant de déplorer son serment. Puis le bourreau se rend dans la prison, coupe la tête de saint Jean, la remet à la jeune fille, qui va la présenter à sa méchante mère.

Dans un sermon prêché pour la fête de la Décollation de saint Jean, saint Augustin, cite, à cette occasion, l’exemple que voici : « Un homme plein de droiture et de bonne foi m’a raconté que, exaspéré de voir qu’un de ses débiteurs niait sa dette, il l’avait provoqué à prêter serment. Le débiteur jura, et l’honnête homme perdit son procès. Et, en outre, la nuit suivante, ce créancier se vit, en rêve, conduit devant le juge, qui lui dit : « Pourquoi as-tu provoqué ton débiteur à jurer, quand tu savais qu’il ferait un faux serment ? » Le créancier répondit : « Cet homme niait sa dette ! » Mais le juge : « Mieux valait perdre ta dette que de tuer l’âme d’autrui en l’amenant à se parjurer ! » Sur quoi, le juge le fit battre de verges, et si fort que, le lendemain à son réveil, tout son dos en portait les traces. »

Quant à Hérode, il ne resta pas impuni. L’Histoire scholastique raconte en effet qu’Hérode Agrippa, désespéré de sa pauvreté, entra un jour dans une tour pour