Page:Voragine - Légende dorée.djvu/593

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dis qu’Ébroïn, de son côté, ayant jeté le froc, était nommé sénéchal du nouveau roi. Or cet Ébroïn, qui auparavant déjà était mauvais, devint pire encore depuis ce moment, et ne pensa qu’aux moyens de se défaire de Léger. Il envoya des soldats pour s’emparer du saint ; et celui-ci, pendant qu’il sortait de sa ville en habit pontifical, fut appréhendé, eut les yeux crevés, et fut jeté en prison où il resta deux ans. Ébroïn le fit ensuite amener au palais du roi avec son frère Garin. Et comme tous deux, bravant le ministre, répondaient sagement et pacifiquement, Ébroïn fit lapider Garin, et ordonna que Léger fût traîné, un jour entier, pieds nus sur des pierres très aiguës. Puis, apprenant que l’évêque continuait à louer Dieu dans ses tourments, il lui fit couper la langue et le fit ramener en prison. Mais le saint ne perdit pas l’usage de la parole. Plus ardemment que jamais, au contraire, il se livra à la prédication : il prédit même tous les détails de sa mort, ainsi que celle d’Ébroïn. Et une immense lumière entourait sa tête comme une couronne, ce dont tous les assistants furent émerveillés. Alors Ébroïn ordonna à quatre bourreaux de lui trancher la tête. Et comme ceux-ci conduisaient le saint au lieu du supplice, il leur dit : « Mes chers frères, ne vous fatiguez pas à faire ce long chemin, mais plutôt exécutez ici l’ordre de celui qui vous a envoyés ! » Alors trois d’entre eux furent si touchés que, tombant à ses pieds, ils lui demandèrent pardon. Le quatrième, au contraire, eut le triste courage d’exécuter sa mission : et, dès qu’il l’eût fait, un démon s’empara de lui et le jeta dans le feu, où il périt misérablement.

Deux ans après, Ébroïn, apprenant que le corps du saint s’illustrait par de nombreux miracles, chargea un officier d’aller s’informer par lui-même de ce qui en était. L’officier plein de morgue et d’arrogance, foula aux pieds le tombeau, du saint, en s’écriant : « Que meurent tous ceux qui croient qu’un mort peut faire des miracles ! » Et voilà qu’un démon s’empara de lui et le tua sur-le-champ. Ce qu’apprenant, Ébroïn souffrit plus cruellement encore de l’envie ; et, un jour, suivant la prédiction