Page:Voragine - Légende dorée.djvu/596

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la bouche pour se confesser. Et comme les autres frères faisaient son éloge, François leur dit : « Mes frères, ne louez pas trop, chez lui, une conduite qui n’est peut-être pas exempte d’un peu de diablerie ! Que ce frère consente à se confesser au moins une fois par semaine ! Et, s’il ne le fait pas, c’est donc que sa soi-disant vertu n’est que pour nous tromper ! » Mais le frère, invité à se confesser, mit un doigt sur sa bouche, et hocha la tête en signe de refus. Et le fait est que, peu de temps après, il se pervertit et finit sa vie dans la dissipation.

Un jour, comme François chevauchait sur un âne, en compagnie de frère Léonard, qui était d’une famille noble d’Assise, celui-ci, qui marchait à pied, se dit tout à coup : « Ce n’est point mes parents qui auraient consenti à se laisser ainsi traiter par les siens ! » Et aussitôt François, descendant de son âne, dit à Léonard : « Ce n’est point chose convenable que toi, qui es noble, tu ailles à pied tandis que je chevauche ! » Sur quoi Léonard, confus, se jeta à ses pieds et lui demanda pardon.

Une autre fois, une femme noble accourut au-devant de, lui ; et, toute haletante de sa course, elle lui dit : « Prie pour moi, père, car mon mari m’empêche de mener la vie que je voudrais, et s’oppose à ce que je serve pieusement le Christ ! » Et lui : « Va en paix, ma fille, et dis à ton mari, de ma part, que le temps du salut est arrivé ! » Elle redit la chose à son mari ; et celui-ci, aussitôt, changea, et s’engagea à la laisser vivre dans la continence.

Il aimait à ce point la pauvreté qu’il l’appelait sa maîtresse, et que, quand il rencontrait un plus pauvre que lui, il se sentait tout honteux. Un jour qu’un pauvre passait près de lui, il dit à son compagnon : « Ôtons vite nos manteaux, donnons-les à cet homme, et, nous prosternant à ses pieds, proclamons-nous coupables ! » Une autre fois, il rencontra trois femmes, exactement pareilles l’une à l’autre, qui le saluèrent en disant : « Bienvenue soit Madame la Pauvreté ! » Puis, elles disparurent, et jamais on ne les revit.