Page:Voragine - Légende dorée.djvu/607

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paraison de la perte de sa virginité. Aussi se refusa-t-elle aux caresses de son mari ; et, quand celui-ci se fut endormi, elle coupa ses cheveux, prit un vêtement d’homme, et s’enfuit. Après avoir longtemps marché, elle se réfugia dans un monastère où elle devint moine sous le nom de Frère Pelage. Et telle fut la sainteté de ses mœurs que, sur l’ordre de son abbé, et malgré sa résistance, elle dut se résigner à devenir le supérieur d’un couvent de nonnes. Alors le diable, jaloux d’elle, chercha un moyen de la perdre. Il poussa une des religieuses à commettre le péché de chair ; et quand la coupable se trouva forcée d’avouer sa grossesse, religieuses et moines, consternés, furent unanimes à considérer comme son séducteur le Frère Pelage, celui-ci étant le seul homme qui vécût auprès d’elle. Marguerite fut donc chassée ignominieusement du monastère et enfermée dans une grotte, où on lui apportait, de temps à autre, un pain d’orge et une cruche d’eau. Mais elle, supportant cette épreuve avec patience, ne cessait point de rendre grâces à Dieu. Enfin, lorsqu’elle se sentit sur le point de mourir, elle écrivit à l’abbé et aux moines : « De naissance noble, je portais dans le siècle le nom de Marguerite ; mais j’ai pris le nom de Pelage parce que j’ai traversé la plage des tentations. Je demande maintenant que mes saintes sœurs m’ensevelissent, afin que les femmes reconnaissent une vierge en celle que les calomniateurs ont fait passer pour un débauché ! » Au reçu de cette lettre, les religieuses coururent à la grotte de l’ermite ; elles reconnurent que le Frère Pelage était une femme, une pure vierge ; et elle fut ensevelie avec honneur dans le couvent de femmes qu’elle avait dirigé ; et religieuses et moines firent pénitence de l’injuste traitement qu’elle avait subi.