Page:Voragine - Légende dorée.djvu/609

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tu m’ordonneras de faire ! » Elle profita de ce délai pour recueillir tous les richesses qu’elle avait gagnées par ses péchés, et, les transportant sur la grande place, en présence de la foule, elle y mit le feu, Et elle disait : « Venez tous, vous qui avez péché avec moi, et voyez ce que je fais de vos présents ! » Puis, quand elle eut tout brûlé (et il y avait là des objets dont l’ensemble valait 400 livres d’or) elle rejoignit Paphnuce, qui la conduisit dans un couvent de femmes. Il l’enferma dans une étroite cellule, en mura la porte, et ne laissa qu’une petite fenêtre par où l’on devait, tous les jours, lui apporter un peu de pain et d’eau. Et comme ensuite il se retirait, elle lui dit : « Que m’ordonnes-tu, mon père, au sujet de l’endroit où je devrai uriner et déposer mes excréments ? » Et Paphnuce : « Tu feras tout cela dans ta cellule, ainsi que tu le mérites ! » Elle lui demanda ensuite comment elle devait prier. Et lui : « Tu n’es pas digne de prononcer le nom de Dieu, ni de lever les mains au ciel, car tes mains et tes lèvres sont pleines d’impureté. Tu te borneras donc à te prosterner du côté de l’Orient, et à répéter toujours cette phrase : « Toi qui m’as créée, aie pitié de moi ! »

Après que Thaïs fut ainsi restée enfermée pendant trois ans, Paphnuce eut pitié d’elle et vint trouver saint Antoine, pour lui demander si Dieu n’avait pas encore remis les péchés de la pénitente. Antoine réunit alors ses disciples, et leur enjoignit de rester en oraison, chacun de son côté, jusqu’à ce que Dieu révélât à l’un d’eux l’objet de la visite du solitaire Paphnuce. Et comme les disciples étaient en oraison, l’un d’eux, Paul, vit au ciel un grand lit couvert d’étoffes précieuses, et gardé par trois vierges au visage rayonnant. Ces trois vierges étaient la peur des châtiments futurs, la honte des péchés commis et la passion de la justice de Dieu. Et comme Paul disait à ces trois vierges que ce lit était sans doute réservé à Antoine, une voix d’en haut lui répondit : « Non, ce lit n’est point pour ton père Antoine, mais pour la courtisane Thaïs ! » Le lendemain, Paul s’empressa de raconter sa vision ; et Paphnuce,