Page:Voragine - Légende dorée.djvu/652

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jeune Martin de s’enrôler. Il avait alors quinze ans. Et, du moins, ne voulut-il avoir qu’un seul serviteur, que d’ailleurs lui-même se plaisait à servir, lui brossant ses vêtements et lui ôtant sa chaussure. Un jour d’hiver, comme il passait sous une des portes d’Amiens, il rencontra un pauvre qui était tout nu. Aussitôt, coupant en deux, avec son épée, le manteau dont il était recouvert, il en donna à ce pauvre une des deux moitiés. Et, la nuit suivante, il vit le Christ lui-même vêtu de cette moitié de manteau ; et il entendit que Notre-Seigneur disait aux anges qui l’entouraient : « Ce manteau, Martin me l’a donné quand il n’était encore que catéchumène ! » Le saint jeune homme, au reste, ne tira de cette vision aucune vanité, mais y vit seulement une nouvelle preuve de la bonté de Dieu. À dix-huit ans, il se fit baptiser. Il aurait voulu se consacrer tout entier au Seigneur ; mais son tribun lui demanda de servir deux années encore, lui promettant de le laisser, ensuite, libre de se retirer. Or, au bout de ces deux ans, et comme les barbares envahissaient la Gaule, l’empereur Julien distribua de l’argent entre les soldats chargés de les repousser. Mais Martin refusa d’en prendre sa part, disant : « Je suis soldat du Christ et n’ai pas le droit de combattre ! » Julien, indigné, lui dit que ce n’était pas par piété, mais par peur qu’il renonçait au service, devant la guerre imminente. Et l’intrépide jeune homme lui répondit : « Puisque tu mets ma conduite sur le compte de la lâcheté, je me présenterai demain sans armes en face de l’ennemi, et je braverai ses coups avec le signe de la croix en guise de casque et de bouclier. » Julien donna l’ordre qu’on le mit en demeure de faire comme il avait dit. Mais le lendemain, dès le matin, l’ennemi annonça qu’il se rendait avec tous ses biens : et ainsi la victoire fut obtenue sans perte de sang, par le seul mérite du saint.

Au sortir de l’armée, Martin se rendit auprès de saint Hilaire, évêque de Poitiers, qui l’ordonna son coadjuteur. Mais une nuit, en rêve, le Seigneur l’avertit d’avoir à aller visiter ses parents, qui étaient restés païens. Il se mit en route, prévoyant avec raison qu’il aurait à tra-