Page:Voragine - Légende dorée.djvu/670

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elle le porta sept fois de suite aux latrines, et lava ses linges affreusement souillés. Une autre fois, elle lava et mit au lit une femme atteinte d’une lèpre hideuse ; elle essuya et banda ses ulcères, coupa ses ongles et, agenouillée devant elle, la déchaussa pour oindre les plaies de ses pieds. Et lorsque le soin des pauvres lui laissait quelques instants, elle filait de la laine qu’on lui envoyait d’un monastère ; après quoi elle distribuait aux pauvres l’argent ainsi gagné. S’occupant elle-même d’administrer la répartition de ses dons, elle décréta un jour que toute femme qui viendrait la solliciter sans un besoin réel serait punie de la perte de ses cheveux. Or voilà qu’une jeune fille nommée Radegonde, et qui avait une chevelure d’une beauté merveilleuse, vint à l’hôpital de sainte Élisabeth en solliciteuse, non pas en vérité pour recevoir l’aumône, mais pour voir sa sœur qui était malade. Ayant ainsi contrevenu à la loi, elle fut aussitôt condamnée à perdre ses cheveux : ce dont elle ne se fit pas faute de pleurer et de se lamenter. Et comme quelques-uns des assistants affirmaient qu’elle était innocente, Élisabeth dit : « En tout cas, n’ayant plus ses cheveux, elle mettra moins d’ardeur à la danse, et fera voir moins de vanité ! » Interrogeant ensuite la jeune fille, elle apprit que celle-ci serait depuis longtemps déjà entrée dans un couvent si elle n’en avait été empêchée par son amour passionné pour sa chevelure. Sur quoi Élisabeth lui dit : « Je suis plus heureuse de t’avoir fait couper tes cheveux que je ne le serais d’apprendre l’élection de mon fils à l’empire ! » Aussitôt la jeune fille prit l’habit religieux, et vint demeurer à l’hôpital avec sainte Élisabeth.

Une pauvre femme ayant mis au monde une fille, sainte Élisabeth tint l’enfant sur les fonts baptismaux, l’appela de son nom, lui donna les manches de fourrure d’une de ses suivantes, pour lui servir de couverture, et donna à la mère ses propres sandales. Mais, trois semaines après, la femme, abandonnant son enfant, s’enfuit avec son mari. Sainte Élisabeth, dès qu’elle l’apprit, se mit en prière ; et aussitôt la femme et le mari, empêchés