Page:Voragine - Légende dorée.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
IV
INTRODUCTION

ou non, c’est lui qui se tient là ; et, sous sa statue, une inscription latine nous apprend que, dès l’année 1645, la ville de Varage « se l’est choisi pour patron céleste », quem cives sui anno 1645 patronem cœlestem sibi adscriverunt. Aussi veille-t-il, depuis lors, sur la petite ville, y maintenant une paix, une grâce, une sérénité, dont je ne crois pas qu’aucune autre ville de cette âpre Rivière ligure offre l’équivalent.

Le vent même y est tiède et léger, au plus rude de l’hiver. Et quand ensuite, dans les rues de Gênes, on grelotte au soleil sous une bise glacée, on ne peut se défendre d’un vif sentiment de dépit contre l’ingratitude des Génois, qui, peut-être, a attiré sur leur ville cette calamité. Car si Jacques de Voragine est né à Varage, c’est à Gênes qu’il a prodigué tous les trésors de son âme de saint. Il y a joué un rôle si actif et si bienfaisant que les historiens les plus « libéraux », – qui racontent le passé de l’Italie comme si les événements religieux n’y avaient, pour ainsi dire, point tenu de place, – sont tous contraints pourtant de rendre hommage au « pieux évêque » de Gênes, père des pauvres, et « pacificateur des discordes civiles ». Or, en vain on chercherait, dans toute la ville de Gênes, la moindre trace de son souvenir. Entre des centaines de plaques commémoratives, célébrant un séjour de Garibaldi, ou la munificence d’un riche bourgeois qui a fait entourer d’un grillage le pont de Carignan, « pour empêcher les désespérés de s’ôter la vie », en vain on chercherait une inscription où figurât le nom du saint évêque « pacificateur ». En vain on