Scène II
L’hôtelier (regardant ceux qui s’éloignent) : Tiens, un voyageur !
Tartelet : Mais, oui, approchez Garçon cela paraît vous surprendre.
L’hôtelier : Ça me surprend beaucoup, Monsieur !
Tartelet : Vous êtes donc seul ici Garçon ?
L’hôtelier : Seul avec un Danois arrivé hier.
Tartelet : Un Danois. — J’en ai connu un bien beau ! très haut sur pattes avec des oreilles superbes et le museau allongé, c’était un joli chien.
L’hôtelier : Mais non, celui qui est là est un jeune homme.
Tartelet : Ah ! bon, un Danois à deux pattes, dites-moi Garçon qu’avez-vous à me donner.
L’hôtelier : Plus rien maintenant, le Danois a tout mangé.
Tartelet : C’est égal ! Donnez m’en tout de même, et pas trop cuit !
L’hôtelier : À l’instant, Monsieur. (Il sort)
Scène III
Valdemar (entrant ; à Tartelet le saluant) : Ah ! j’ai bien déjeuné ! peut-être même un peu trop bien déjeuné.
Tartelet : C’est le Danois !… il n’a pas le museau allongé.
Valdemar : Tiens, un étranger, monsieur…
Tartelet (le saluant) : Monsieur… (à part) Quelle tournure comme c’est gauche, ça ne sait même pas saluer dans les règles.
Valdemar : Bonjour Monsieur ! monsieur… en voyage, d’habitude… quand on se rencontre… au bout du monde, et même plus loin… on fait aisément connaissance !… Oserais-je vous de¬mander qui vous êtes ?
Tartelet : Le professeur Tartelet.
Valdemar (à part) : Un professeur !… c’est un savant (haut) de quel pays, monsieur ?
Tartelet : Je suis français, né à Asnières.
Valdemar : Asnières… Ah ! bon, Asnières de Bigorre, je connais.
Tartelet : Mais non.
Valdemar : Vous êtes marié, M. Tartelet ?
Tartelet : Non… pourquoi cette question ?
Valdemar : Alors vous n’avez pas de petits Tartelets ?
Tartelet : Non…
Valdemar (riant) : Pas de petites Tartelettes ?
Tartelet : Pas de petites (à part) Qu’est-ce que c’est que ce gros garçon-là ? (regardant les pieds de Valdemar) Oh ! ces pieds.
Valdemar : Vous dites ?
Tartelet : En dehors, jeune homme, plus en dehors.
Valdemar (étonné) : Plus en dehors ? Il me renvoie, il veut rester seul.
Tartelet : Mais où allez-vous donc ?
Valdemar : Vous me dites en dehors !
Tartelet : Mais oui, je parle de vos pieds, ce que nous appelons l’angle chorégraphique.
Valdemar : S’il vous plaît ?
Tartelet (le touchant du bout de son archet) : Encore plus écartés… encore… encore… (Valdemar manque de tomber) C’est très bien comme cela.
Valdemar : Oh ! Vous trouvez ça bien, vous, quel drôle de savant ?
Tartelet : J’ai l’honneur de parler à Monsieur ?
Valdemar : Axel Valdemar… de Copenhague.
Tartelet : À merveille ; Eh ! bien, M. Axel Vladimir.
Valdemar : Non, pardon, Valdemar.
Tartelet : Bon ! bon.
Valdemar : Et vous venez ?
Tartelet : D’Aalborg.
Valdemar : En chemin de fer ?
Tartelet : Non.
Valdemar : En bateau ?
Tartelet : Non.
Valdemar : En diligence ?
Tartelet : Non ! en courant !
Valdemar : En courant ?
Tartelet : Électrique !
Valdemar : En courant électrique !…
Tartelet : Oui !
Valdemar : Et vous allez ?
Tartelet (montrant le sol) : Là !
Valdemar : Dans la cave ?
Tartelet : Plus bas !
Valdemar : Plus bas ? On nous écoute.
Tartelet : Sous terre… jusqu’au centre !
Valdemar : Jusqu’au centre de la terre ?
Tartelet : Par le cratère !
Valdemar : Pas possible ?
Tartelet : Pas possible… mais nous le ferons, mon ami, vos pieds (rectifiant sa position) vos pieds !
Valdemar : Encore ! quel drôle de savant !… quel drôle de savant !…
Tartelet : Et vous, M. Vladimir ?
Valdemar : Val… demar…, S.V.P.