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Page:Voyage en Navarre pendant l'insurrection des Basques.pdf/71

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VOYAGE EN NAVARRE.

vision surnaturelle, ne vois-tu rien auprès de cette croix, une ombre …… un fantôme ? — Je ne vois rien, répliqua le guide avec humeur, si ce n’est Un homme ivre, qui est toi. — Pas plus ivre que dans cette triste nuit, où l’Esprit des enfers conduisit ici nos pas. La mêlée fut cruelle et la fusillade brûlante !… Si des ballots restèrent sur la route, ce ne fut pas le mien, Ghangarin, tu le sais !… mais mon frère … mon frère ! ils l’ont tué ! » — Deux grosses larmes coulèrent sur les joues cuivrées du montagnard : un souffle orageux agitait sa longue chevelure, et faisait gémir les bruyères. — « Ils l’ont tué ; je l’ai vengé, Changarin ; car tout cela devait être ! » — Le Labourdin se signa de nouveau, remit son berret, et frappant la terre de son bâton, repartit à grands pas. La religion catholique n’a rien fait perdre à l’Ibère de son fatalisme primitif : hala behar beïtzen ! cela devait être ; telle est la seule plainte qu’arrache au Cantabre le sentiment profond du malheur, et souvent on