Aller au contenu

Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
Histoire des États

qui les enfermoient (car il n’avoit pas ſeulement une miſerable tente) étoieit attacheés aux roües de la charette. Je rapporte cette circonſtance en paſſant ſeulement pour faire remarquer a quelle extrémité il devoit être reduit. Quand ces femmes entendirent cette triſte nouvelle ; il me ſouvient que c’étoit au point du jour ; voilà que tout d’un coup elles jettent des cris & des lamentations ſi étranges & ſi pitoyables qu’elles tiroient les larmes des yeux : Nous voilà tous en trouble & en une êtrange confuſion, chacun ſe regarde l’un l’autre & perſonne ne ſçait que faire ny que devenir. Incontinent après nous vîmes ſortir Dara demi mort, parlant tantôt à l’un tantôt à l’autre, juſqu’aux moindres Soldats. Il voit que tout le monde eſt étonné, & le va abandonner, que deviendra-t-il ? où peut-il aller ? il faut partir ſur l’heure. Jugez encore par ce petit incident de l’extrémité où il devoit être. De trois grands bœufs de Guzarate que j’avois pour ma charette, le jour precedent il m’en étoit mort un pendant la nuit, un autre qui mouroit, & le troiſiéme n’en pouvoit plus (car depuis ces trois jours que j’étois avec lui il nous a-

voit