Aller au contenu

Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
Histoire des États

le plus grand Bazar par où il devoit paſſer : mais il ne ſe trouva pas un homme qui eût la hardieſſe de mettre la main à l’épée ; ſeulement y eut-il quelques Fakires, & avec eux quelques pauvres gens du Bazar, qui voyant cet infame Patan monté à cheval à ſon côté, ſe mirent à lui chanter des injures, à l’appeller traitre, & à lui jetter quelques pierres : Veritablement toutes les terraſſes & toutes les boutiques rompoient de monde qui pleuroit à chaudes larmes ; & l’on n’entendoit que cris & que lamentations, qu’injures & maledictions qu’on donnoit à ce Gionkan ; Et en un mot, hommes & femmes, grands & petits (comme les Indiens ont le cœur fort tendre) fondoient en larmes & témoignoient grande compaſſion ; mais pas un qui oſât remuer, pas un qui oſât tirer ſon épée. Après l’avoir donc ainſi fait traverſer la ville, on le mit dans un ſien jardin nommé Heider-Abad.

L’on ne manqua pas d’abord de raporter à Aureng-Zebe comme tout le peuple voyant paſſer Dara fondoit en larmes donnant mille maledictions au Patan qui l’avoit pris ; qu’on l’avoit penſé aſſommer à coups de pierres, & qu’il y avoit

eu