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Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/63

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du grand Mogol.

& les rend inſenſibles au danger, de ſorte qu’ils ſe jettent dans le combat comme des bêtes furieuſes, ne ſçachant ce que c’eſt de fuir, mais bien de mourir aux pieds de leur Raja quand il tient ferme ; il ne leur manque que de l’ordre, car pour de la reſolution ils en ont aſſez ; c’eft un plaiſir de les voir ainſi avec leur fumée d’Opium dans la tête s’entr’embraſſer quand on eſt prêt de combattre, & ſe dire adieu les uns aux autres, comme gens qui ſont reſolus de mourir. Et c’eſt à raiſon de cette Milice que le Grand Mogol quoi que Mahumetan, & par conſequent ennemi des Gentils, ne laiſſe pas d’entretenir touours à ſon ſervice quantité de Rajas, qu’il conſidere comme ſes autres Omrahs, & dont il ſe ſert dans ſes Armées comme s’ils étoient Mahumetans. Je ne puis m’empêcher de dire ici la fiere reception que la fille de Rana fit à ſon mari Jeſſomſeingue, enſuite de ſa défaite & de ſa fuite. Quand on lui eut appris que Jeſſomſeingue étoit proche, & qu’on lui eut fait entendre ce qui s’étoit paſſé à la bataille ; qu’il avoit combattu avec toute la valeur poſſible ; qu’il ne lui reſtoit plus que quatre à cinq cens hommes ; & qu’enfin ne pouvant plus reſi-

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