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Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/67

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du grand Mogol.

certaine de l’état de la Cour & de la diſpoſition des affaires. Tellement qu’il n’avança vers Agra qu’après avoir campé quelques jours, & encore ne marchoit-il que fort lentement pour ſe mieux informer de tout & prendre ſon temps & ſes meſures.

Pour ce qui eſt de Chah-Jehan, comme il voyoit clairement la reſolution d’Aureng-Zebe & de Morad-Bakche, & qu’il n’y avoit plus d’eſperance de les pouvoir faire retourner, il étoit dans un tel embarras qu’il ne ſçavoit à quoi ſe reſoudre, & prevoyant quelque grand malheur, il eût bien voulu empécher cette bataille deciſive, où il voyoit que Dara fe preparoit avec une extrême chaleur, mais que pouvoit-il faire pour s’y oppoſer ? Il étoit encore trop foible de ſa maladie, & ſe voyoit toûjours entre les mains de Dara, auquel, comme j’ai dit, il ne ſe fioit pas beaucoup ; ſi bien qu’il ſe vit obligé d’acquieſcer à tout ce qu’il vouloit & à lui remettre entre les mains toutes les forces de l’Etat, & commander à tous les Capitaines de lui obeïr. Incontinent tout fut en armes ; je ne ſçais ſi l’on vit jamais dans l’Hindouſtan une plus belle Armée ; l’on tient qu’il n’y avoit guere moins de cent mille chevaux,

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