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Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/85

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du grand Mogol.

Si Dara eût eu l’eſprit aſſez preſent pour découvrir la fourbe, & pour bien reconnoître ſur l’heure ce qui pouvoit arriver de ne paroitre plus ſur l’Elephant, & de ne ſe faire plus voir à toute l’Armée qui avoit toujours les yeux ſur lui, ou que plûtôt il eût fait couper la tête ſur le champ à ce traitre flateur, il étoit le maître de toutes choſes ; mais le bon Prince ſe laiſſa flatter & aveugler à ces douces paroles ; il écouta ce conſeil comme s’il eût été fort veritable & fort ſincere, il deſcendit de ſon Elephant & monta à cheval ; mais je ne ſçais s’il ſe paſſa un quart d’heure qu’il s’aperceut de la trahiſon de Calil-ullah-Kan, & qu’il ſe repentit de la faute qu’il avoit faite. Il regarde, il cherche, il demande où il eſt, que c’eſt un traître, qu’il le tuera ; mais le perfide eſt déja bien loin, l’occaſion eſt perdue. Croiroit-on bien que ſitôt que l’Armée s’aperceut qu’il n’étoit plus ſur l’Elephant, elle s’imagina qu’il y avoit trahiſon, que Dara avoit été tué, & tout le monde fut ſaiſi d’une telle terreur qu’un chacun ne ſongeoit plus qu’à ce qu’il avoit à faire, comment il échaperoit des mains d’Aureng-Zebe, & comment il ſe ſauveroit : Que dirai-je ? tout ſe débande & s’enfuit ;

ſubite