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Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/86

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Histoire des États

ſubite & étrange revolution ! Il faut que celui qui vient de ſe voir victorieux ſe trouve tout d’un coup vaincu, abandonné, & obligé de s’enfuir lui-même, s’il veut ſauver ſa vie. Il faut qu’Aureng-Zebe, pour avoir tenu ferme un quart d’heure ſur un Elephant, ſe voye la couronne de l’Hindouſtan ſur la tête, & que Dara, pour en étre décendu un moment trop tôt, ſe voye comme precipité du haut en bas du Trône, & le plus malheureux Prince du Monde : La fortune ayant ainſi pris plaiſir de faire dependre le gain ou la perte d’une bataille, & la deciſion d’un grand Empire, d’une chofe de neant.

Ces grandes & prodigieuſes Armées font quelquesfois de grands effets, mais quand la terreur & le deſordre s’y mettent, quel moyen d’en arréter le branle ? C’eſt un grand fleuve qui a rompu ſes digues, il faut qu’il se répande de toutes parts dans la campagne, il n’y a point de remede. Auſſi combien de fois conſiderant l’état de ces Armées ſans ordre qui vaille, & quaſi marchant comme des troupes de moutons, me ſuis-je perſuadé que ſi on voyoit dans ces quartiers là vingt-cinq mille hommes de ces vieilles

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