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Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/97

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du grand Mogol.

Si jamais homme fut étonné, ce fut Chah-Jehan, voyant qu’il étoit tombé dans le piege qu’il preparoit aux autres ; que lui-même fe trouvoit emprisonné & Aureng-Zebe maître de la fortereſſe : l’on dit qu’il envoya ſur l’heure fonder l’eſprit de Sultan Mahmoud, lui promettant ſur ſa Couronne & ſur l’Alcoran, que s’il lui vouloit être fidele & le ſervir dans cette conjoncture, il le feroit Roi ; qu’il le vînt trouver à l’heure même dans le dedans, & qu’il ne laiſſât pas perdre cette occaſion ; qu’au reſte c’étoit un coup qui lui attireroit les benedictions du Ciel & une gloire immortelle, puis qu’il ſeroit dit à jamais que Sultan Mahmoud auroit delivré Chah-Jehan ſon grand Pere de priſon : Et certes, ſi Sultan Mahmoud eût eu aſſez de cœur pour faire le coup, & que Chah-Jehan eût pû ſortir, ſe faire voir par la ville, & ſe mettre en campagne, perſonne ne doute que tous les grands Omrahs ne l’euſſent fuivi, & Aureng-Zebe même n’auroit pas eu ni l’audace ni la dureté de combattre contre ſon Pere en perfonne ; d’autant plus qu’il eût aprehendé de ſe voir abandonné de tout le monde & peut-être même de Morad-

Bak-