Page:Vrain-Lucas, Le parfait secrétaire des grands hommes, Cité des livres, 1924.djvu/16

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dont se défaisait le mystérieux descendant du comte de Boisjourdain ; une seule fois il vendit à un M. Bellay, employé au Ministère des Travaux Publics, quatre billets de Marguerite d’Alençon, Rabelais, Montaigne et Rotrou, mais M. Chasles, prévenu à temps, les racheta pour deux cents francs.

Le « vieux monsieur » avait certainement de gros besoins d’argent : il arrivait que Vrain Lucas apportât à Michel Chasles des lettres autographes par centaines ; il y en avait dans le tas de doubles, de triples, de quadruples, copies fidèles d’un original qu’on trouvait toujours. C’était égal à M. Chasles : il achetait le tout sans marchander et s’étonnait d’autant moins de cette profusion de documents que tous présentaient entre eux une parfaite concordance.

Mais de temps à autre, surtout quand il s’était défait de quelque perle, une lettre de Marie-Madeleine ou une de Vercingétorix, le vieux monsieur était pris de terribles scrupules : il lui restait un parent, presque aussi vieux que lui, un militaire, et celui-ci, ayant appris les ventes, s’en était fort irrité. Alors le vieux monsieur dépêchait Vrain Lucas à Michel Chasles pour le supplier de rendre les pièces et de reprendre son argent.

M. Chasles s’y refusait bien entendu et le vieux monsieur, chapitré par Lucas, n’osait insister, mais ces alertes terrorisaient le membre de l’Institut, si fier des pièces uniques de sa collection. Aussi n’épargnait-il rien pour se concilier l’affection entière de son compatriote, Vrain Lucas : à la modeste commission que celui-ci lui avait dit toucher, il ajoutait spontanément de généreuses gratifications, lui prêtant de l’argent toutes les fois qu’il lui en était demandé.