Page:Vrain-Lucas, Le parfait secrétaire des grands hommes, Cité des livres, 1924.djvu/61

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Je viens donc dire à Vostre Saincteté que à l’imitation du très illustre Boèce ay escript un traicté de la Trinité afin d’expliquer ce mystère par la philosophie d’Aristote. Des gens jaloux de mes succès ont cherché à découvrir en ce livre des traces d’hérésie qui ne s’y trouve pas. Quoiqu’il en soit, j’ay esté en bute à toutes espèces de tracaseries puys aulcun temps, m’accusant de fausse doctrine, et on me livra mesme à la justice du Roy, soubz prétexte que non seulement j’estois accusé de fausses doctrines, mais aussy de crimes d’Estat, chose que ces sortes de gens ne cessent jamais de pratiquer. Enfin, on a répandu tant de médisance contre moy et on m’a rendu l’existance tellement amère que maintefois il m’a prins fantaisie abandoner le pais de la crestieneté où je voyois la religion du Christ si mécogneue, mais mon estoile ne m’a pas octroyé agir ainsy.

J’ay demandé de justifier ma doctrine dans une assemblée publicque : on me l’accorda et on convoqua un concile à Sens où le Roy assista mesme en personne. M. Bernard[1], abbé de Clairvaux, y fust mandé pour soutenir le roole d’accusateur. On lut devant l’assemblée plusieurs extraicts de mon livre, et, sans daigner m’entendre pour en doner l’explication, le concile condamna le mien livre au feu et moy contrains à me retiré dans une prison.

C’est pourquoy, très Sainct Père, je viens vous suplier d’intervenir en icelle condamnacion. Lisez vous

  1. Il s’agit de Saint Bernard.