Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/164

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peinture. Je n’ai jamais rien vu de pareil à son atelier. Au déjeuner, on parla lecture : elle lisait en ce moment la Vie des animaux des Alpes, de Tschudi. Un magnifique chien de chasse, de poil clair, fut bientôt suivi d’un superbe terre-neuve, noir comme un corbeau et de taille gigantesque : tous deux, caressés par leur maîtresse, y prenaient un plaisir indicible. Nous en arrivâmes à parler des rapports des animaux avec l’homme : je développai mon thème favori, et l’auditoire m’accompagna de sa sympathie jusqu’à l’apogée de ma profession de foi. La troupe de tziganes se trouvait pour l’instant en Hongrie : la comtesse essaya de nous donner, à elle toute seule, au piano, une idée de ce qu’elle fait avec cet orchestre. C’était fort original et intéressant. Bientôt elle introduisit dans son improvisation des motifs de Lohengrin : il fallut alors me mettre aussi au piano. J’étais heureux du beau silence avec lequel tout fut accueilli. Seul, le comte, un svelte et beau Hongrois, de pure race, crut devoir m’expliquer, par beaucoup de récits et de discours, l’impression que font mes œuvres. Je le supportai fort patiemment, car il me reproduisait avec une incroyable bonhommie la teneur de ce qu’il avait entendu dire à mon sujet… Je reconnus chez le jeune Lichtenstein une touchante mélancolie : il s’est décidé à suivre la carrière politique, après avoir, tout jeune, choisi la marine, et doit s’a-