Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/194

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agréables, flatteuses, avec lesquelles on se fait à soi-même le plus de plaisir. J’arrive très rarement encore à l’exécution de si agréables projets. Chez moi tout ne tend qu’à une fin dernière, fort grave. Ainsi je ne puis regarder qu’avec tristesse la fleur qui m’est jetée sur cet ultime chemin.

La poésie que vous m’avez envoyée aujourd’hui est très belle, je crois même un chef-d’œuvre.

L’esprit de la légende m’apparaît tout autre seulement maintenant. Au « Neck »[1] est accordé le souriant espoir ; pour ma part, je ne comprends plus l’espoir, et je ne suis à rien moins accessible qu’à sa promesse encourageante. En revanche, je comprends maintenant la félicité, que nous n’avons pas à espérer d’abord, mais dont nous sommes les maîtres. Peut-être vous remémorez-vous que je vous ai dit autrefois, un jour, avoir senti de plus en plus clairement, dans le cours de mon existence, que l’art me donnerait seulement le suprême bonheur, quand j’aurais perdu tous, oui tous les biens de la vie, après que toute possibilité d’espoir aurait disparu. Je me souviens encore m’être demandé, aux environs de ma trentième année, si j’avais réellement en moi les facultés d’une très haute individualité artistique : dans mes œuvres je trouvais toujours encore des influences, de l’imi-

  1. Nixe (au masculin). Wagner fait allusion à un poëme de Madame Wesendonk portant ce titre.