Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/223

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pas la force. Je voulais vous demander, tout enthousiaste, de faire quelque chose d’énorme pour moi. Après coup, cependant, il me vint un sourire triste. Je suis un être de malheur !

Je croyais être appelé au Rhin (Darmstadt, Carlsruhe) à la fin du mois d’Août, pour donner des concerts : je voulais en profiter pour aller vous rendre visite, et faire une excursion dans les montagnes de ma Terre de salut d’autrefois, afin de diminuer les souffrances que je ressens dans l’abdomen. Darmstadt a échoué ; à Carlsruhe je suis invité maintenant vers la fin d’Octobre. À cette date, j’ai, il est vrai, quelques engagements dans l’Est ; tout viendra alors à la fois, et cependant il me faut tout accepter, oui — je me trouve maintenant dans une position si pénible parce que les choses traînent tellement en longueur… Mon Dieu ! comme je regrette déjà de m’être installé ici ; et cependant j’ai sacrifié tout pour m’assurer un logis stable — tel était mon besoin de prendre pied n’importe comment et n’importe où. Maintenant, avec ma bonne aubaine russe, si péniblement acquise, je suis dans la situation de ce personnage de vaudeville, qui se désole d’avoir gagné quelque chose à la loterie, parce qu’il peut prouver que le prix de son billet dépasse la valeur du lot gagné. Comme on m’a félicité pour la « fortune » gagnée en Russie ! Et qui cela ? Des créanciers, dont j’ignorais même