Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/260

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donna presque de ramertume. Ma religion et ma foi (qui font un, à vrai dire) ne s’occupent que de la chose en elle-même. Je ne comprends réellement pas comment l’on peut mépriser et rechercher ensemble le résultat extérieur, c’est-à-dire le succès. Seul, le sage, me paraît-t-il, qui ne veut rien du monde, a le droit de le mépriser ; l’autre, qui en a besoin, devient, déjà par le simple contact, complice, et ne peut être son juge. Vous êtes conscient et complice au plus haut degré. Vous arrêtez au passage avec empressement chaque nouvelle illusion, sans doute pour effacer de votre cœur le désenchantement des déceptions antérieures, et personne ne sait mieux que vous qu’il n’en résultera rien, qu’il ne peut rien en résulter jamais. Mon ami, à quoi tout cela aboutira-t-il ? Cinquante années d’expérience ne suffisent-elles pas ? Le moment ne devrait-il pas arriver, où vous seriez parfaitement d’accord avec vous même ? Aujourd’hui j’ai reçu votre bon émissaire,[1] qui me fit infiniment de bien, et j’ai de nouveau foi en votre retour. Combien je serais heureuse de pouvoir vous procurer un séjour vraiment paisible et confortable ! L’automne en Suisse est parfois très beau ; même en hiver on est très bien ici chez soi. Si, le ciel nous en garde, la maladie d’Otto se prolongeait au-delà des prévisions,

  1. Voir lettre no 141.