Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/110

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que nous avons subi tous les tourments, qu’aucune souffrance ne nous fut épargnée, maintenant doit apparaître clairement l’essence de la vie supérieure, que nous avons méritée par les affres de ces difficiles épreuves. En toi, elle brille déjà si pure, avec tant de certitude que, pour ta joie, je ne puis que te montrer à présent de quelle façon elle commence à apparaître en moi.

Le monde est vaincu : par notre amour, par nos souffrances, il s’est vaincu lui-même. Il ne m’est plus un ennemi, devant lequel fuir, mais bien un objet indifférent, sans importance pour ma volonté, à l’égard duquel je n’éprouve plus la moindre crainte, qui n’évoque en moi aucune douleur, partant plus de dégoût. Je sens cela d’autant plus distinctement que je n’éprouve plus avec autant d’intensité le désir de la solitude absolue. Ce désir prenait autrefois les proportions d’une véritable nostalgie, d’une poursuite passionnée. Il est — je le sens bien — tout à fait apaisé. Les dernières décisions que nous avons prises m’ont conduit à cette claire intuition : — que je n’ai plus rien à désirer, plus rien à chercher. Après la plénitude avec laquelle tu t’es donnée à moi, je ne puis plus appeler cela de la résignation, encore moins du désespoir. Cet état d’âme audacieux s’opposait à moi autrefois, comme résultat final de mes désirs et de mes recherches : étant heu-

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