Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/111

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reux par toi, je suis libéré de sa nécessité. J’ai la sensation d’un rassasiement divin. La passion est morte, parce qu’elle est complètement apaisée … Ravivé, j’envisage de nouveau ce monde, qui m’apparaît ainsi sous un tout autre aspect. Car je n’ai plus rien à chercher en lui, je n’ai plus à trouver le hâvre de sûreté où je me pouvais dérober à lui. Il m’est devenu un spectacle tout à fait objectif, comme la nature, où je vois arriver et s’en aller le jour, où je vois naître et mourir des germes de vie, sans que mon être intérieur paraisse devoir dépendre de ces arrivées et de ces départs, de ces naissances et de ces morts. Envers lui, je joue presque exclusivement le rôle de l’artiste qui observe et qui crée, de l’homme sensible qui sympathise, sans toutefois, moi-même, vouloir, chercher, poursuivre quoi que ce soit. Tout extérieurement, je reconnais cette situation nouvelle encore à ceci, c’est que je n’éprouve plus le désir, bien connu de toi, d’une demeure retirée et solitaire ; et j’admets qu’en cela l’expérience, douloureusement acquise, m’apporte sa collaboration. Car tout ce que je pouvais acquérir de supérieur et de plus précieux en ce sens-là ne me satisfait point, parce que notre séparation et la nécessité de celle-ci me devaient enseigner que « l’Asile » ardemment désiré ne peut, ne doit pas m’être accordé.

Mais où donc me préparer un asile nou-

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