Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/194

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avec une telle rapidité chez le poëte, lequel voit l’ensemble d’un seul regard, cela le rend incompréhensible aux autres.

Mais la maîtresse en douleur est évidemment la princesse. Pour celui qui regarde très-profondément il n’y a ici qu’un unique contraste, celui entre le Tasse et la Princesse. Le Tasse et Antonio forment un contraste moindre ; aussi leur conflit n’intéresse pas autant l’esprit profond, car ici l’on peut finir par s’entendre. Antonio ne comprendra jamais le Tasse, et celui-ci ne jugera le premier digne d’être compris, que quand il sombre dans la dépression de l’intelligence. Tout ce dont il s’agit entre ces deux hommes est sans conséquence, ne figure là que pour mettre en jeu la souffrance du Tasse, dès qu’il veut et désire violemment. Si nous portons nos regards au delà de l’œuvre, il ne nous restera que le Tasse et la Princesse : comment ces deux antithèses vont-elles se concilier ? Comme il s’agit ici de douleur, la femme a la prépondérance ; est-ce que le Tasse apprendra quelque chose d’elle ? Etant donné sa violence, je crains plutôt qu’il n’aboutisse à la folie. Le poëte a préfiguré cela merveilleusement.

Mais à cette occasion je me suis dit aussi qu’il était irréfléchi de publier Tristan déjà maintenant. Entre un poëme, destiné entièrement à la musique, et une œuvre théâtrale

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