Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/201

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sauvegarder ma volonté, une certaine obstination m’est pour ainsi dire nécessaire. D’une façon naturelle et de soi-même, rien ne se fait, pas même ma création artistique. Il me semble même que je ne trouve plus de plaisir à Tristan : il aurait dû être déjà terminé au moins depuis l’an dernier. Mais les dieux ne l’ont point voulu ! À présent je ne travaille qu’avec le sentiment de l’achever, uniquement parce que sans cela tout finirait soudain, immédiatement. Il y a de la violence aussi là-dedans.

Cela sonne tristement, n’est-ce pas ? Peut-être le mauvais temps en est-il pour beaucoup la cause. Peut-être aussi, en une certaine mesure, la particularité que nous avons trouvée développée sans mélange, et avec tant de force, dans le Tasse. Cependant ce m’est toujours une suprême consolation de pouvoir être sincère, et notamment de ne rien vouloir me cacher à moi-même. J’accepte donc cette triste vérité et, si j’ai encore la volonté, alors, de continuer mon œuvre, je vois qu’il le faut bien, et cela m’encourage, comme maintenant déjà le simple fait de vous l’avoir dit, car je sais qu’envers vous je suis plus sincère encore qu’envers moi-même. Mais — peut-être qu’à vous je ne devrais point faire pareille communication. Vous pourriez en ressentir de la peine ; et cela à quoi bon ? Ne serait-ce pas une belle et bonne chose pour moi de savoir que je n’ai point éveillé vos in-

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