Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/222

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Pour travailler j’aime par dessus tout le soleil ; mais précisément celui qu’on tient éloigné, contre lequel on cherche à se protéger par une agréable fraîcheur. Il produit alors le même effet que la célébrité, les succès, les honneurs qui vous procurent une sensation agréable par le fait même qu’on les dédaigne, qu’on les laisse de côté sans s’en occuper, ayant l’âme trop riche. Dans le cas contraire nous sommes rappelés à notre pauvreté ! Quiconque doit chercher la lumière et la chaleur est à plaindre !

Je m’occupe de la première moitié de mon acte. Je n’achève que très, très lentement les passages de souffrance ; dans le cas le plus favorable, je ne puis faire que peu de chose d’un seul coup. Mais les passages de fraîcheur vivace et d’emportement me réussissent d’autant plus rapidement. Ainsi, pendant l’exécution technique, je vis tout « leidvoll und freudvoll »[1] et dépends uniquement du sujet. Ce dernier acte constitue une véritable fièvre intermittente : les douleurs les plus intenses, les plus inouies et, immédiatement après, les joies les plus inouies, les plus intenses. Dieu le sait, personne n’a fait quelque chose avec plus de sérieux et Semper a raison. Cela m’a disposé défavorablement, ces derniers jours, encore une

  1. C’est-à-dire : j’éprouve moi-même les souffrances et les joies de mes personnages.
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