Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/68

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de ne point venir me voir. Cela me fait tant de bien de pouvoir ne pas parler !… J’ai lu ton journal avant de me coucher, pour la première fois depuis mon départ. Ton journal ! Ces traits divins et profonds de ton être !… Je dormis bien.

Le lendemain, je fis choix d’un appartement, que je louai à la semaine. Je m’y trouve tranquille, à l’abri des importunités ; je me recueille et attends la fin des chaleurs, pour m’en aller vers l’Italie. Je ne sors pas de toute la journée. —

Hier, j’ai écrit à ma sœur Clara,[1] que tu as vue il y a deux ans. Elle désirait une fraternelle explication de ma part : ma femme lui avait écrit et annoncé son arrivée. Je lui fis voir tout ce que tu étais pour moi depuis six ans ; quel ciel tu m’avais préparé ; au prix de quelles luttes, de quels sacrifices tu m’avais protégé ; avec quelle main rude et maladroite cette miraculeuse intervention de ton noble et haut amour avait été dénaturée. Je sais qu’elle me comprend ; c’est une nature enthousiaste dans une enveloppe négligée. Il me fallait donc développer mes explications à ce sujet. Mais quels tremblements dans mon cœur, dans mon âme, tandis que j’écrivais cela, tandis qu’il m’était permis de dépeindre ta sublime pu-

  1. La lettre a été publiée dans la Tägliche Rundschau du 23 Septembre 1902.
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