Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/118

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qu’elle répète sans trêve, maintenant, jusqu’à dix fois de suite !… J’étais hors de moi !… Que dire ? Était-ce une anomalie ? Y a-t-il dans la nature aussi des exceptions ? Tout ce que je sais, c’est que cette aventure est arrivée à la femelle ; mais, depuis, je ne l’ai plus jamais entendue…

Ah ! si du moins le ciel voulait redevenir pur une seule fois ! Comment puis-je supporter cela déjà toute une année ? Mais n’importe : en dépit du ciel et de l’automne, il faut que je compose. Et j’ai fait de la littérature aussi. Je vous enverrai le livre bientôt. Les vers nouveaux pour Tannhäuser ne sont pas encore définitifs en allemand : ci-joint le brouillon, d’après lequel ils ont été mis en français, et c’est sur les vers français que je dois composer. Qu’en dites-vous ? Dieu sait ! À la fin tout va ! Mais comment ? Cependant toute cette besogne me convient. Elle me cache ce monde étranger, où je dois maintenant demeurer toujours. Il me faut être patient : telle est la volonté de cette même puissance qui fait chanter ou se taire mes oiseaux. Mais je ne puis guère en venir au recueillement proprement dit, car là il n’y a que désert et désespoir. Je dois peupler cela de besognes et, quand celles-ci me dégoûtent, les soucis m’aident à vivre encore. Frau Sorge[1] reste toujours fidèle…

  1. « Dame Souci », — figure allemande qui personnifie les petites misères de la vie quotidienne.