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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/141

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et maintenant elle est en meilleure posture auprès de moi…

De ce qu’on appelle le grand monde, une dame que je connaissais autrefois de manière superficielle m’a inspiré, cette fois, un plus vif intérêt que précédemment : c’est la comtesse Kalergis,[1] nièce du chancelier de l’Empire de Russie, Nesselrode, de laquelle je vous ai déjà parlé jadis…

L’été dernier, se trouvant à Paris pour quelque temps, elle vint me voir, et, finalement, me résolut à mander Klindworth de Londres pour faire de la musique avec elle. Je chantai avec la Garcia-Viardot le second acte de Tristan : tout à fait entre nous ; il n’y avait là que Berlioz. Des fragments des Nibelungen furent aussi exécutés. C’était la toute première fois depuis que je suis séparé de vous. Ce qui m’a fait m’intéresser davantage à cette femme, c’est que j’ai remarqué en elle une étrange satiété, un mépris du monde, un dégoût, qui auraient pu me paraître indifférents, si je n’avais remarqué en même temps une manifeste et profonde passion pour la musique et la poésie, qui, dans ces conditions, me paraissait mériter une sérieuse attention. Comme son talent aussi était

  1. Marie Kalergis-Nesselrode, plus tard madame de Muchanoff, à qui sont dédiés les Éclaircissements sur le Judaïsme dans la Musique. Voir aussi R. Wagner, Écrits 8, 299 et suiv. Comparer Glasenapp, II, 2, 265.