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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/172

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ne sait rien de ma présence. Ainsi, voilà déjà trois jours de suite que je n’ai pas été dans l’obligation de parler à quelqu’un. (Oh ! l’ennui de parler !) Au restaurant, j’ai vu Royer, le directeur du grand Opéra ; mais j’ai fait semblant de ne pas l’avoir aperçu. Quand je le revis, peu après, j’avais lu, dans l’intervalle, l’annonce d’une traduction qu’il a faite et qui vient de paraître (des pièces oubliées, de Cervantès) : tout à coup l’homme m’intéressa. C’était drôle maintenant de l’aborder, de m’entretenir toute une demi-heure avec lui et d’ignorer pendant ce temps-là si complètement le directeur de l’Opéra que la conversation roula uniquement sur Cervantès. Le lendemain, il m’envoya son livre. La préface du poëte m’a touché par-dessus tout… Quelle profonde résignation !…

Il me faut éclater de rire parfois, quand je lève les yeux de mon travail pour regarder en face de moi les Tuileries et le Louvre ! Vous devez savoir que je circule maintenant à travers Nuremberg,[1] et que là j’ai affaire à une population de caractère assez anguleux et rude. Il ne me restait plus d’autre ressource que de m’accoutumer à pareille compagnie. Le retour de Venise à Vienne[2] me fut bien

  1. Wagner travaillait alors aux Maîtres Chanteurs de Nuremberg.
  2. Le maître était allé voir les Wesendonk, à Venise, pour quelques jours, en Novembre 1861.