Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/177

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donner le pouvoir de remuer librement, selon votre volonté : il faut n’avoir rien à acheter pour n’avoir pas de conditions à subir !

Je ne puis supporter de vous voir, pour prix de mon voisinage, tenue à l’étroit, opprimée, dominée, dépendante : car je ne puis vous dédommager de ce sacrifice, parce que mon voisinage ne peut plus rien vous donner, et la pensée que le misérablement peu de bien que je puis vous procurer dans de pareilles conditions a été acheté au prix de toute la liberté, de toute la véritable dignité humaine, me ferait ressentir ce voisinage même comme un supplice.

Il n’y a plus d’illusion qui serve. — Je vois que vous le sentez et le savez vous-même : comment ne le feriez-vous pas, la toute première ? Vous le saviez depuis longtemps, et bien avant moi, qui secrètement demeurais toujours un incorrigible optimiste.

C’était cela, et rien que cela, qui pesait comme du plomb sur mon âme à Venise. Non pas ma situation, mes autres malheurs : ces choses-là me sont et me furent, depuis que je vous connais, en elles-mêmes, toujours indifférentes. Vous auriez peine à croire avec quelle parfaite insensibilité je me décide en toutes ces choses qui, vraiment ne touchent plus à ma sensibilité, si ce n’est de façon bien passagère, et cela encore tandis que je regarde uniquement vers une situation digne de moi.